Vincent Mousseau, MSc

Doctorant et travailleur social professionnel

Après l'élection


Aucun salut, aucune victoire, seulement notre travail


April 29, 2025

Ce soir, l’élection a confirmé ce que nous savons déjà : ce pays est en train de se désagréger sous son propre poids.

Mark Carney, incarnation du capitalisme financier maquillé en stabilité, a remporté un gouvernement minoritaire. Non pas par enthousiasme populaire, mais parce que beaucoup ont eu peur de lâcher la dernière illusion d’ordre. Ce gouvernement de technocrates n’administrera pas des solutions; il administrera des crises, en tentant de rafistoler un système en ruine avec les outils mêmes qui l’ont détruit.

Le NPD, lui, s’est effondré.
Pas seulement en nombre de sièges, mais en pertinence politique.
À force de diluer leurs positions, de sacrifier les communautés qui leur avaient fait confiance, d’échanger des rêves d’émancipation contre des sièges à Ottawa, ils ont fini par devenir aussi insignifiants que ceux qu’ils prétendaient combattre. En cherchant l’approbation du centre blanc, ils ont perdu leur ancrage dans les luttes vivantes des personnes Noires, Autochtones, racisées, queer, handicapées et ouvrières.

Quant à Poilievre, son échec personnel — la perte de son siège — ne doit tromper personne.
La droite réactionnaire qu’il a nourrie est toujours en expansion.
Son départ ouvre un espace qui sera comblé par des figures encore plus radicalisées, encore plus brutales.
La montée du fascisme au Canada ne s’arrête pas avec la chute d’un homme ; elle continue, plus déchaînée, plus ouverte.

Ce que révèle cette élection, ce n’est pas un virage historique.
C’est la continuation d’un lent effondrement : celui d’un État colonial bâti sur la dépossession des peuples autochtones, l’asservissement des Noir·es et l’exploitation des migrant·es. Un État qui se présente encore comme une démocratie, alors qu’il ne fait que gérer les ruines d’un projet condamné.

Ce soir, il n’y avait rien à sauver.
Parce que ce qui détruit nos vies — les frontières, la police, les prisons, la logique de propriété, le racisme structurel — n’était même pas remis en question.

En tant que personne Noire, queer, abolitionniste, je n’ai pas voté pour l’espoir.
Je n’ai pas voté pour le désespoir non plus.

Je me tiens là où je me suis toujours tenu : du côté des survivant·es et des bâtisseur·euses d’autres mondes.
Parce que nous savons que l’Empire ne tombera pas pour nous. Il tombera sur nous, si nous ne sommes pas prêt·e·s.

Notre travail n’a jamais dépendu des urnes.
Il se construit dans les réseaux d’entraide.
Dans les solidarités concrètes entre Noir·es, Autochtones, personnes racisées, migrant·es, queers.
Dans la préservation de nos mémoires contre l’effacement.
Dans l’imagination radicale, qui refuse de limiter nos vies aux décombres qu’on nous laisse.

Nous sommes les héritier·ères des marronnages, des fugues, des solidarités clandestines.
Nous sommes les futur·es bâtisseur·euses d’infrastructures de survie qui n’auront jamais besoin de reconnaissance étatique pour exister.

Ce soir, Carney n’a rien gagné.
Poilievre n’a rien perdu.
Le NPD n’avait déjà plus rien à offrir.

Mais nous, nous sommes encore là.
Nous persistons, malgré et contre tout.

Pas de salut venu d’en haut.
Pas de miracles électoraux.

Seulement nos mains.
Nos voix.
Nos solidarités.

Et tout ce que nous construirons ensemble, contre leurs ruines.